La suppression des jurés d'assises :
une justice citoyenne en danger ?
Par Anissa Laidouni, publié le 26/05/2023
Depuis le 1er janvier 2023, la présence des jurés populaires est fortement restreinte au profit des Cours criminelles départementales composées essentiellement de magistrats professionnels.
La loi du 22 décembre 2021 1 prise par le ministère de la Justice pour la confiance dans
l’institution judiciaire vient donc créer une nouvelle juridiction chargée de juger les crimes les plus graves punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle.
Toutefois, une question se pose : la participation de jurés populaires à la justice criminelle est-elle menacée au point de disparaître ?
Cette loi ne vise pas à totalement supprimer les jurés populaires, seulement à réduire le nombre d’affaires qui leur sont soumises, estimée à environ 57 % 2 .
Il est important de rappeler que la Cour d’assises, nommée originellement tribunal criminel, est un véritable héritage de la Révolution française. Cette institution a été créée dans un fort contexte démocratique, en faisant participer les citoyens, profanes du droit, au jugement de personnes poursuivies pour crime.
Alors à quelles problématiques et besoins répondent ces Cours criminelles départementales ?
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D’après les arguments avancés par le ministère de la justice 3 , les jurés populaires
représentent d’une part un certain coût financier puisqu’ils doivent être indemnisés pour
couvrir la perte de revenus engendrée par le temps du procès. D’autre part, la durée de
traitement d’une affaire soumise aux jurés serait beaucoup plus longue contrairement à une affaire qui serait soumise uniquement à des magistrats professionnels.
Si l’on se fie aux premiers résultats et notamment au rapport rendu par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République 4 , cette nouvelle juridiction permet effectivement de réduire le temps des débats d’une demi-journée par rapport à une Cour d’assises. Si l’on s’intéresse à l’aspect financier, il n’est plus nécessaire de rémunérer six jurés et deux suppléants, seulement les quatre magistrats qui composent la Cour criminelle départementale.
Néanmoins, le rapport n’omet pas d’énoncer les inconvénients de ce nouveau système mis en place. Une Cour criminelle départementale, composée de quatre magistrats au lieu de deux dans une Cour d'assises peut allonger le délai de traitement dans d’autres affaires (au civil, par exemple) qui nécessitent leur présence obligatoire. La conséquence est donc assez claire : l’augmentation du nombre de magistrats dans ces cours réduit le temps de travail de ces mêmes magistrats dans le traitement de leurs autres affaires. Pour pallier ce problème, la loi prévoit notamment de les faire remplacer par des magistrats honoraires et des avocats honoraires. Il s’agit de professionnels du droit actuellement à la retraite souhaitant mettre à disposition leur savoir-faire en exerçant des fonctions juridictionnelles.
La restriction des compétences d’un outil au service de la liberté, témoignant de la volonté de rapprocher la justice de leurs citoyens, peut-elle constituer sur le long terme “un drame démocratique” comme le soutient Francesca Pasquini, députée des Hauts-de-Seine ?
Anissa Laidouni
Clinicienne dans le cadre du DU Clinique Juridique - Justice, procès et procédure.
Étudiante en Master de droit privé approfondi
(1) Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021
(2) https://www.ouest-france.fr/societe/justice/justice-aux-proces-d-assises-il-y-aura-moins-de-jures-populaires-
3d4d4bfe-64eb-11ed-921e-4ba615c3f69c
(3) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038418327
(4) https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-
actualite.fr/files/resources/2020/12/mission_flash_cours_criminelles_mazars_savignat.pdf