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Droit et intelligence artificielle :
l’exemple des smart-contracts dans la procédure d’expulsion pour loyers impayés

Par Eden SMILA, publié le 06/02/2023

  D’après le Parlement européen, l’intelligence artificielle « permet à des systèmes techniques de percevoir leur environnement, gérer ces perceptions, résoudre des problèmes et entreprendre des actions pour atteindre un but précis. L’ordinateur reçoit des données les analyse et réagit » [1] .


  Si son utilisation paraît assez concrète dans certains domaines, comme celui de la santé (création d’organes artificielles pour les greffes, etc.) ou encore des transports (voiture sans chauffeur, etc.) ; tel n’est pas forcément le cas dans le domaine du Droit. Classée comme science sociale, cette discipline encadre les rapports entre les membres d’une même société. L’intelligence artificielle ne pourrait-elle alors pas faciliter les relations entretenues entre deux personnes physiques ? C’est pour résoudre les problèmes liés aux relations contractuelles qu’a été créé le smart-contracts.

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  Traduit de l’anglais par « contrat intelligent », son inventeur, l’informaticien Nick SZABO, nous partage sa définition ainsi que les nombreux avantages liés à son utilisation [2] .

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   Il explique qu'il s'agit d' "un ensemble de promesses spécifiées sous forme numérique comprenant des protocoles dont les parties contractantes s'engagent" à les exécuter.        Ces "contrats intelligents combinent les protocoles, les interfaces utilisateur et les promesses exprimées à travers ces interfaces, pour formaliser et sécuriser les relations sur les réseaux publics … ».

   Les parties vont donc sceller leurs engagements réciproques et prévoir les sanctions en cas de mauvaise exécution, voire d’inexécution. En théorie, le smart-contracts se déclenchera automatiquement en fonctionnant d’après la formule « If…, then … ».

   Par exemple, le bailleur pourra prévoir à l’encontre de son locataire, que « Si vous ne me payez pas votre loyer avant le 5 de chaque mois, au bout de la deuxième fois, je résilierai le contrat de bail ».

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  Nick Szabo y voit d’ailleurs de réelles opportunités, puisqu’il poursuit en indiquant que « Cela nous donne de nouvelles façons de formaliser les relations numériques qui sont
beaucoup plus fonctionnelles que leurs ancêtres papier inanimés... ».

  Il s’agit effectivement d’une vraie révolution car le bailleur pourrait se passer d’intermédiaires, notamment du commissaire de justice [3], alors qu’il joue un rôle fondamental dans la procédure de résiliation du contrat de bail pour loyers impayés.

  Cette procédure, protectrice des locataires, est strictement encadrée par la loi. Elle incombe au bailleur de faire juridiquement constater la naissance de sa créance auprès d’un commissaire de justice, qui lui délivrera un document ayant force exécutoire : le commandement de payer [4]. Pour pouvoir procéder à l’expulsion du locataire défaillant, le commissaire de justice doit également viser la clause résolutoire [5], afin de la mettre en œuvre, conduisant ainsi à la résiliation du contrat de bail de plein droit.

  Le bailleur est contraint de saisir la Commission de coordination des actions et de prévention des expulsions locatives (Cccapex) [6] dont la mission est de lui produire les avis et recommandations formulés par les organismes de solidarités, dans le but de trouver des solutions alternatives à l’expulsion.

  Par ailleurs, le bailleur souhaitant ester en justice à l’encontre de son locataire, devra à
nouveau recourir au commissaire de justice, qui lui délivrera une assignation en justice [7] .

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   L’informaticien souligne le fait que « Les contrats intelligents réduisent les coûts de transaction mentaux et informatiques, imposés soit par les principaux acteurs, soit par des tiers, soit par leurs outils ».

  En se passant d’un commissaire de justice, le bailleur ne devra pas s’acquitter des coûts liés à la production des actes judiciaire, ce qui lui rapportait un véritable gain financier.
  Le bailleur s’exonèrera également de la saisine de la Ccapex, ce qui aura pour incidence directe de raccourcir les délais afférents à la procédure.

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  Ladite démonstration a permis de mettre en lumière l’incompatibilité du droit positif [8] français sur l’insertion de smart-contracts dans la procédure d’expulsion des loyers impayés.

  Il serait néanmoins important de garder à l’esprit le fait que la création des nouvelles
technologies par l’intelligence artificielle en Droit n’en est qu’à ses débuts et que le
législateur devra tôt ou tard s’emparer de la question.

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1 Intelligence artificielle : définition et utilisation | Actualité | Parlement européen (europa.eu)

2 N. Szabo, The idea of Smart Contract, 1997
3 Fabien Gillioz, Du contrat intelligent au contrat juridique intelligent, article paru dans Dalloz IP/IT de janvier
2019, p 16 et s
4 E. Caprioli, Entretien autour du thème « Blockchain et smart-contracts : enjeux technologiques, juridiques et
business », Cahiers de droit de l'entreprise n° 2, Mars 2017, p. 6
5 Confère note n°4
6 Anciennement appelé huissier de justice
7 Code des procédures civiles d’exécution, art. L.114-1 et R.411-1
8 Clause insérée dans le contrat de bail qui prévoit sa résiliation en cas d’absence de paiement de loyers
9 Code des procédures civiles d’exécution, art. L. 412-5
10 Code de procédure civile, art. 55

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Eden SMILA

Diplômée du DU en 2020

  • LinkedIn

Tutrice pour la Clinique Juridique depuis l'année 2020

Doctorante à l'Université 

Panthéon-Sorbonne

Chargée de TD vacataire à l'Université Panthéon-Assas

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